dimanche, mai 20, 2007

Joli moi de mai ?

Elle est étrange, ces manies de multiplier les causes uniques. Je ne vais pas viser le seul Naboléon, qui me donnera sans doute l'occasion de me gausser de ses initiatives d'Hercule de foire aux petits bras et de bateleur du Trône, la foire itou. Pour une fois, je vais prendre le risque de me fâcher avec tout le monde.

Naboléon, alias le nouveau Badinguet, accusait Mai 68 de tous les maux lors de sa campagne : c'était loin d'être une originalité puisque Luc Ferry, ce ministre de l'éducation que vous n'avez peut-être pas eu le temps de voir passer, avait commis un ouvrage qui prétendait, beaucoup, épuiser le sujet. Retour de bâton de l'histoire : c'est Ferry le pompier qui semble bien piteux face à un Philippe Sollers en forme, dans un récent débat lors de l'émission Esprits libres.

Le plus étonnant ne fut sans doute pas que Ferry ait été lamentable : ses "écrits" geignards nous y avaient habitué. Mais que Sollers puisse encore flamboyer, diantre ! Sans doute parce que ce joli mois de mai là, contrairement à ceux qui se sont succédés depuis, est devenu un mythe : au moins pour la droite française contemporaine. Vais-je glousser sur la peur panique qui saisit les élites face à un mouvement qu'elles n'ont toujours pas pigé ? Ben tiens, je vais me gêner.

En fait, les grandes trouilles me font rire, surtout lorsque l'un ou l'autre Joseph Prudhomme s'essaie à les expliquer. Aux difficultés qui doivent bien avoir leurs raisons, le béat candidat préfère développer devant ses béats militants des causes simples, tant le militant doit avoir le képi tout près du front puisqu'on lui demande surtout d'être discipliné. Et notre Madame Irma de vociférer contre Mai 68, les immigrés, la racaille ou les pannes de Karcher - qui me rappelle ma très grand ignorance de certains caractères spéciaux, d'ailleurs - tandis que ses concurrentes trouvent d'autres chats à fouetter.

Non, je ne crois pas aux causes uniques, pas plus que je ne me fierais aux valeurs uniques de ceux qui exigent l'ordre alors qu'eux-mêmes pondent des lois au détriment de leur application, de ceux qui exigent un climat de terreur pour mener leur contestation, fût-elle fondée, ou de ceux qui pressent le doigt sur la couture du pantalon parce qu'ils se méfient du lyrisme de leurs mains.

Non, je n'aime pas les parvenus berlusconiens ou socialistes carolos, les paranoïaques qui se la jouent "Cité de la peur" pour se sentir moins nuls, les abonnés aux grands complots qui tripotent leurs vidéos du Pentagone ou leur codex davinciens comme d'autres le firent d'un certain Protocole, les hérauts de l'intelligence qui ressassent des bêtises et des clichés à faire ricaner Flaubert, les vraies gens avec leurs vrais problèmes dans de vraies émissions où le seul principe reste de s'interroger sur la qualité de la prothèse dentaire du vrai animateur-vedette, et puis tous ces candidats qui me parleront les yeux dans les yeux avant de s'adresser, une fois élus le 10 juin, à une certaine partie de mon anatomie que l'âge semble rendre chaque année plus chatouilleuse.

Ne vous inquiétez pas trop, il y a aussi ceux que j'aime bien ou même beaucoup : mais vous ne voudriez tout de même pas que j'embrasse mon écran, non ?





samedi, mai 19, 2007

The longue gousse d'ail...

Je la vis arriver : elle était à rêver mais je ne la connaissais ni des lèvres ni des dents, à mon grand désarroi. Elle bombait tellement le Corse qu'elle semblait issue de la cuisine de Jupiter et les îles de Beauté se déployaient sur sa poitrine flambante. Des quenelles intestines l'avaient éloignée de son frère, un vrai bouc en train, ingénieur à Grenoble. Et fière comme d'Artagnan, elle avait coupé les ponts. Elle le regrettait maintenant : ses souvenirs la hantaient lorsqu'elle tirait ses bas, comme si elle dévidait un bas de laine de Proust, vieux comme mes robes. Je signai un contrat en bonnet difforme.

Dans ma ford intérieure, je cherchais le poteau rose : cette mission, ce serait vraiment la croix et la baleinière de la mener à bien. Son frère était connu comme le houblon : à tire-l'abricot, les informations fusaient. Je disposai bientôt de témoignages en quantité gastronomiques. Mais un seul me retint la tension.

Une brave dame, avertie de mon enquête, me fila un rendez-vous. Je me rendis chez la lady, de Nantes, et sonnai. Une explosion me répondit, suivie de cris d'orfèvre. J'entrai dans ce qui restait de la maison. Mon témoin ne s'en était pas sorti idem: elle était suspendue au dessus de moi dans un trou du plancher, et le corps de son chien en laisse flottait dans l'air. Je voyais ainsi les pieds de la dame au clebs qui me surplombaient. Je ne pus m'empêcherde rire à gorge d'employé avant d'aider, en bon sana ricain, la brave dame à s'extraire de son pète-reins.

Les informations qu'elle me livra transformaient mon enquête en tonneau d'Adélaïde : un bien joli prénom. Tout partait à vélo, je repris donc ma voiture et me rendis chez ma cliente pour lui signifier mon échec.

Des cours de français correct s'imposaient.






mercredi, mai 16, 2007

Soupe à la grimace...


En bref, il s'agit de s'amuser malgré tout.

Je n'en suis pas encore au stade de Diogène, qui invitait fermement Alexandre le Grand à se tailler de son soleil parce qu'aucun homme ne devait se permettre de tacheter son bronzage : il est vrai qu'à l'époque les cyniques n'étaient pas des crétins dont la prédominance les amène à exhiber leurs pensées honteuses en vociférations suraiguës parce qu'une remontée d'organes, aouch, ça fait mal.

Je n'en viendrai pas plus à me soucier sérieusement de l'étranglement de Bruxelles, que certains veulent cultiver et d'autres élargir , tandis que d'autres encore l'avaient réduite à un magasin des curiosités : Bruxelles est donc un morceau de plasticine qui s'étend à force de se faire écraser et où un théâtre peut disparaître dans l'ombre très facilement. De toutes façons, le salvateur réchauffement de la planète ne transformera-t-il pas bientôt notre politique intérieure en joyeuse partie de plage ? Et nos amis du nord n'échangeront-ils pas, dans un futur proche, leurs raclements de gorge contre les glouglous sereins du mérou ordinaire ou de la méduse ventriloque ?

Je ne vais pas non plus m'énerver contre ces stars de la pop qui, depuis bientôt deux mille ans, nous déclinent leurs vieilles rengaines dans des arrangements qui m'agacent : les radio crochets des nouveaux croisés finissent par mériter un uppercut.

Je ne gloserai pas davantage sur les certitudes qui vacillent pour quelques imbéciles malheureux, confits dans leur bêtise comme un marron dans le cul d'une dinde, du côté de la Noël : de valeureux canulardeux ont trouvé une très jolie manière de se foutre de ce petit monde-là. Tout comme ces employés de Wal-Mart qui remerciaient ainsi leur pauvre direction, contrainte de les licencier pour préserver les économies des rentiers, imbéciles susnommés, qui devaient soigner leur panari ou leur arthrite du genou.

Enfin, j'aurais pu parler de tout cela mais je sors ce soir.






mardi, mai 08, 2007

Théorie du bordel ambiant


Bon, Ubu doit sortir de son île et surfer sur les vagues virtuelles de ses désenchantements misanthropes. Il doit lâcher son trapèze et plonger dans l'insondable connerie qui, nous n'en doutons pas, fera l'objet elle aussi d'un sondage : les prises de température rectale ne sont-elles pas recommandées pour les sociétés malades qui tortillent leurs piteux appas en un festin sinistre ?

Donc, Ubu adoptera une attitude positive, comme certains commerciaux mal recyclés dans la vente des idées mortes et des candidats à tout crin. Bref, en une danse du ventre qui mettra en péril l'équilibre instable d'une assiette où, par bonheur, ne traînent que de timides restes, il se dressera bien droit et emmerdeur jusqu'au bout des ongles, juste avant une sieste réparatrice qui précèdera la cérémonie solennelle du coucher. Si je résume la phrase précédente, qui se voulait brève mais n'y parvint pas, tant je fus saisi par le lyrisme du néant ou par quelques gratouillis que je dus réfréner dont l'ardeur ne peut être exprimée pudiquement dans ce texte - et puis, au fond, je me gratte où et quand je veux, c'est moi que cela démange - , je n'irai pas par quatre chemins mais par un cinquième qui nous rallongera encore cette phrase qui, avouez-le, commence à vous exaspérer, pour vous confirmerqu'Ubu ne cessera de mûrir ses réflexions pour les cueillir quand elles tomberont.

Par contre, il est peu assuré qu'il ose se résumer à cette sainte Trinité du Sujet-verbe-complément, qui l'illumine de sa clarté mais l'attriste par sa simplicité. Parce qu'entre deux mots, il faut choisir le pire, parce que la vie n'est qu'une complexité délectable, parce qu'Ubu a de l'espace pour prendre son temps - et paradoxalement le vôtre -, l'aventure continue.

Vers l'infini et au-delà.






Les honnêtes gens...

Avec la campagne électorale, j'ai pu voir refleurir ces avis confondants de ceux qui se prévalent des honnêtes gens. Ah, l'honnêteté ! Quelle splendide candeur que celle de ces bourgeois de peu, qui se rappellent des siècles passés, de crainte de tomber dans l'euphémisme de la classe moyenne.

Les honnêtes gens ont peur de leur ombre, les honnêtes gens plébiscitent la sécurité et préparent les dictatures morales : mais les honnêtes gens n'éprouvent plus de complexe à affirmer tout haut leurs rancoeurs exprimées, d'habitude, sous la couette salvatrice de leurs journées épuisantes, après l'extinction de cette superbe télévision qui renforce leur honnêteté en leur vidant les restes de cervelle.

Sans vouloir paraphraser Orson Welles, qui rappelait que l'Italie, en trente ans de règne des Borgia, avait consacré la Renaissance italienne, tandis que la Suisse avait produit, en cinq siècles d'honnêteté paisible, le coucou, j'avouerai à mes chers lecteurs, que je suppose aussi malhonnêtes que moi, que l'honnêteté m'emmerde.

Je ne vois, en cette honnêteté-là, qu'un affadissement du sens de l'honneur, qu'un abêtissement commun de la parole donnée. Même le grand siècle, qui favorisa l'idée de l'honnête homme, la traduction de l'idéal féodal dans une société policée, n'avait osé aller si loin. L'honnête homme, sous Louis XIV, était un bon courtisan mais avait au moins le bon goût de ne pas se poser en victime. Nos honnêtes gens ne sont, par comparaison, que des pitres douteux, marionnettes tendues par les filets de leur sainte trouille, à la recherche de tous les courants conservateurs qui les prémuniront de la couperose en particulier et de l'avenir en général. Ces honnêtes gens que le politiquement correct révulse (moi aussi, mais pour d'autres raisons, je ne vais tout de même pas m'injurier moi-même), revendiquent la possibilité d'être cons en permanence et douillettement : comme si affirmer leur bêtise les vaccinait de leur prochaine disparition.

Il faut les prémunir de leurs craintes illusoires, les rassurer face à ces invasions de leurs phantasmes, les couvrir de moralité et d'honneurs puisqu'ils sont la France d'en bas, les vraies personnes avec des vrais problèmes, dont les candidats sont beaucoup plus soucieux que les responsables politiques. En fait, ces honnêtes gens tonitruent pour que leurs peurs très communes soient partagées à force de sondages, pour que leur confort ne soit pas saccagé par quelque sauvageon pas encore apprivoisé, pour que les choses ne changent pas.

Pourquoi râlerais-je donc contre cette honnêteté dévoyée ? Au fond, j'aime la morale davantage que la moralité, puisque je préfère à l'illusion du confort les réalités de l'audace, parce que je ne puis croire en l'émancipation du boutiquier, la nouvelle appellation de la domesticité de l'Ancien Régime, parce que je me sentirais mourir si je me me lovais dans les chaussons de l'honnêteté et parce que je ne vois guère de distance entre les appétences des honnêtes gens et celles des voyous communs.

Ma misanthropie naturelle se radicalise parfois au spectacle de la connerie ordinaire : celle-ci se vêt de tous les oripeaux, de ces hardes du bon sens qui se replie sur lui-même, comme s'il fallait se coucher pour une longue et lente agonie, alors que je préfère me coucher en galante compagnie. Je n'aime pas cette bêtise effarouchée de la moindre audace : elle exaspère mon peu de patience.

Je suis et reste partisan de la bêtise extraordinaire, de celle qui s'étonne de ses propres pirouettes. Je préfère mon idiotie, parfois idéaliste, à l'honnêteté : la première, au moins, ne se cantonne pas dans ces concessions qui fleurissent dans les cimetières.




mardi, mai 01, 2007

Battle royal...


Oui, je sais, je vais encore vous gonfler avec les élections : mais comme une prédisposition naturelle et une inclination non moins irrépressible me poussent à tous les plaisirs, dont ceux de la table, il n'y a aucune raison que je sois le seul, sur ce blog, à privilégier les courbes dans un mouvement où la générosité n'exclut pas les rondeurs.

En fait, ami français (ce qui signifie que si tu es belge, ami lecteur, tu devras revenir début juin : par contre, si tu es suédoise ou tahitienne, tu passes quand tu veux, amie lectrice), c'est un choix superbe qui t'est donné pour ce dimanche. Entre le Petit Nicolas, qui semble n'avoir pas grandi du tout, et la mère de famille poitevine, convaincante comme un chabichou, il y a cette marge que la publicité comparative nous interdit de réduire à sa plus fine substance. Et l'on se prend à rêver, dans un frisson, que les deux rivaux s'épousent et nous fassent de beaux enfants et de prochaines élections.

Evoquons leurs soutiens : Sarko peut compter sur les has been, qu'ils le soient déjà ou bientôt, ce qui nous permet d'envisager une culture à hauteur de TF1, où la berlusconnerie tient lieu de réflexion ; par contre, Ségolène peut se targuer de compter, parmi ses suffragettes, Geneviève de Fontenay et Philippe Sollers, deux défenseurs de l'élégance féminine. La Marseillaise officielle sera-t-elle adaptée par Doc Gynéco ou par Diam's ? Laurent Ruquier invitera-t-il un jour Christian Clavier ? Un vertige me saisit : pour qui auraient voté Saturnin, Colargol et Pollux ? J'exclus volontairement Casimir, puisqu'il est déjà premier ministrable en Ubuland : et puis les monstres gentils ne se commettent pas en politique, eux...

Parlons maintenant de leurs attitudes respectives, si pas respectueuses. Sarko joue les divettes et perd le contrôle de ses nerfs ; Ségo s'aventure sur les sommets de la bourde avec un sens de la fadeur tellement inné que l'on se prend à sommeiller entre deux mots. Les deux se comportent en vainqueurs, alors même que leur rêve se situe à hauteur de chaise : leur point de vue éthéré se résume en un trône, leur morale en reste aux cabinets. Tous deux furent ministres. Qu'il me soit permis - et d'ailleurs je ne vois pas qui pourrait me l'interdire - de m'abstenir d'évoquer leurs bilans politiques. D'autres le firent mieux que moi, y compris les susnommés. Je signale d'ailleurs aux lecteurs militants de base que le précédent qualificatif n'induit aucunement de quelconques relations entre les susdits. Et ce dernier mot non plus.

Bref, vous remarquerez qu'il est possible de parler d'une campagne électorale sans jamais se placer d'un point de vue politique. Les candidats sont devenus des icônes un peu douteuses soldées par leurs communicants, au gré des inventaires de citations et des allusions référentielles. Puisque leurs promesses ne sont que pure fiction, puisque nos horizons sont chimériques, puisque nous ne pouvons douter de la réalité virtuelle des potentiels de nos deux candidats (enfin, pas si nos que cela !), puisqu'il est devenu si commode d'en référer à l'homme de la rue pour se confire dans l'absence de perspective, je propose que ce soient les Belges et les Papous qui votent cette fois. Que des électeurs qui s'en foutent élisent enfin des candidats qui s'en contrefoutent, sauf du mois de mai.

Et puis, il vous restera toujours la possibilité de demander l'asile virtuel en Ubuland.

Mise à jour : le bureau des passeports est ouvert.