mercredi, novembre 28, 2007

Ma chère Dame de craie...

Il est toujours difficile de saisir une plume virtuelle : plus que le point de départ, c'est la destinée fugitive de ces texticules, adressés au réseau comme autant de bouteilles à la mer, qui prête au rêve et au hasard. Il y a pas mal de temps que je ne me demande plus combien de gens me lisent : par contre, la lancinante question de l'intérêt que pourraient susciter mon personnage virtuel et ses réflexions sporadiques continue de me laisser perplexe.

Certes, cela doit m'arriver dans mon métier également et peut-être que, parfois, je ne laisse pas un souvenir si anodin que cela à l'un ou l'autre de mes élèves, mais j'avoue que je ne m'en étais guère préoccupé, parce qu'il me semble que leur propre personnalité prendra toujours le pas sur le modeste relais que j'aurai pu être. Et pourtant, un de mes relais à moi vient de disparaître.

Hormis un professeur de gréco-latine et son collègue de physique, je ne garde guère de souvenir de mes professeurs du secondaire : leur influence ne fut sans doute pas anodine mais je ne me sens guère tributaire à leur égard. S'ils m'ont transmis des connaissances, les deux autres m'ont légué leur curiosité et leur intérêt. De même, à l'université, j'estime devoir mon tribut à mon patron de mémoire, titulaire de la chaire de littérature belge, et à deux de ses collègues, un médiéviste, d'ailleurs télégénique, et un linguiste réputé. Là encore, les autres sombrent dans le maquis des anecdotes.

Seuls quelques collègues, malgré ma sociabilité naturelle, m'ont donné l'envie de poursuivre mon métier : l'un d'entre eux, Alain, est mort il y a quelques années ; l'autre, Edith, vient de décéder de ce qu'un abominable euphémisme nomme une longue et pénible maladie. Ils me manquent tous les deux, jusque dans leurs tics et leur manies ; les souvenirs restent intenses tant leur vie semblait prégnante, tant j'ai pu leur dérober ces parcelles de volontés, ces miettes de curiosité et cette profonde envie d'enseigner qui ont sans doute constitué le professeur que je suis devenu et qui, je l'espère, ne cessera jamais d'assumer la dignité de sa charge. Au fond, pour peu que nous puissions nous le rappeler, nous jetons nos petites bouteilles à l'avenir.

Mes lecteurs savent que je n'ai jamais sacralisé ni la mort ni le corps enseignant : pourtant, je n'admettrai jamais que quiconque remette en cause ces deux morts-là, comme je n'ai jamais admis que l'on touche au souvenir de mon père. Tous ceux qui m'ont forgé, de relais en relais, et qui poursuivent leur travail, souvent inconsciemment, je ne pourrai jamais les remercier par des mots : c'est le fil de ma vie de relais qui pourra, peut-être, leur rendre hommage, tant que je garderai la conscience de ce que je fais. Comme tous ceux qui m'ont transmis sans jamais réclamer le prix d'une quelconque dette, j'offre à qui veut en disposer ce que je peux donner.

Evidemment, les amateurs de modèles économiques ou de rentabilité concurrentielle, voire d'utilité, ne pourront jamais comprendre ce qui m'anime, à l'instar de mes proches collègues. Je ne le leur demande d'ailleurs pas : je n'ai pas besoin de leurs explications insignifiantes pour ne cesser de découvrir ce qui restera pour moi significatif dans ce cortège de ma mémoire, qui prend souvent la forme d'un ballet lumineux sous un soleil que rien ne vient éteindre, un cortège dont, pour une fois, l'individualiste que je suis accepte d'être un modeste participant.


samedi, novembre 03, 2007

A propos de Stephen Jay Gould


J'avoue que je reprends ce blog avec quelques difficultés : non que l'envie m'ait passé de lancer mes divagations comme autant de bouteilles à la mer, sans crainte qu'une mouette se les prenne au coin du bec, mais la lecture amène souvent le graphomane à plus de modestie.

Ainsi, je lisais récemment plusieurs ouvrages de Stephen Jay Gould : plus encore que de plonger dans des notions que je ne maîtrisais pas, mes cours de biologie s'étant arrêté du côté de la troisième année du secondaire, c'est le plaisir réel de concevoir la complexité des phénomènes évolutifs qui m'a enchanté. Monsieur Gould ne se comporte pas comme un de nos roquets médiatiques, qui étalent leurs simplifications abusives et leurs retournements de veste à longueur de bouquins savamment ficelés en fonction de l'événement que, faute de l'avoir précédé, ils suivent à juste laisse. Il n'est pas de ces commentateurs insipides dont le credo est le conformisme, cette dictature mercantile qui fait passer le stéréotype sans cesse rebattu pour une idée neuve parce que l'emballage a changé. Non, Stephen Jay Gould explique les phénomènes les plus complexes, les théories les plus savantes sans les affadir, du moins je le suppose, et nous pousse à envisager la réalité comme une construction et pas comme un ensemble d'apparitions.

Ainsi, c'est grâce à lui que j'ai découvert Rube Goldberg, humoriste dont un artiste s'est inspiré ci-dessus. Son principe à lui est de montrer que l'homme recherche une complexité excessive dans l'accomplissement des gestes quotidiens : ses machines déploient une inventivité et une énergie immense afin de réaliser ce qui devrait rester anodin, ici découper un morceau de fromage. Ce style d'humour nous rappelle aussi que, faute d'user de nos facultés de conceptualisation dans les champs de la réflexion, nous les utilisons pour nous empoisonner la vie. Pensons à tous ceux qui cherchent de vaines explications, ou des excuses, pour les troubles comportementaux toujours plus nombreux ; pensons au dévoiement des démocraties, traduites en termes simplistes de majorité, au détriment des droits fondamentaux ; pensons à la complexité des technologies mises en oeuvre pour apercevoir des élevages en batterie de chanteurs très approximatifs ou pour transmettre une information lors de la grand-messe du journal télévisé.

Nos modes de communication, basés sur une prétendue simplicité, nous ont fait croire que nous pouvions nous passer de la complexité : à force de nous donner une image inconséquente du monde, perçu comme un ensemble d'apparitions sans continuité, ils nous ont poussé à un égocentrisme ratiocinant. Nous nous sommes considérés comme les centres de l'univers parce que nous éprouvions la paresse de nous intéresser à cet univers même : nous négligeons ainsi l'histoire ou l'épistémologie par manque de curiosité. Et nous prétendons remplacer cette absence de curiosité par le reflet aimable ou compassionnel que nous offrent les obédiences religieuses, les soumissions idéologiques ou les auto-flagellations psychanalytiques à bon marché.
Nous avons ainsi oublié, au nom de cet extrême relativisme, d'échanger des idées, puisque toutes seraient d'égale valeur : et nous nous retrouvons à vouloir échanger des personnalités, avec la nécessité d'en simplifier la réalité de fonctionnement puisque nous n'en tirons que des généralisations abusives propres à nous permettre le conformisme.

Je persiste à préférer les problèmes complexes aux solutions faussement simples mais je me refuserai toujours à construire ma vie relationnelle autour de faux obstacles qu'une quelconque main secourable lèverait à ma place : je maintiens mon indépendance de jugement sur tout ce que la culture me permet de m'approprier.

jeudi, novembre 01, 2007

Le grand silence

Ubu postera-t-il avant la fin de cette année ? A-t-il conçu un nouveau concept, le message annuel ? Passera-t-il l'automne ? Aurait-il été victime d'une extinction de doigts ?

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