mardi, mars 25, 2008

J'en reste bouche bée...

J'avoue qu'il est difficile de rester un provocateur : si quelques sujets continuent à obtenir leur petit succès, tels que la mort ou les enfants en général - quant à la mort des enfants, je ne vous raconte pas, surtout avec les procès qui ne cessent de se succéder -, j'avoue qu'il m'est difficile de rester un humoriste à la petite semaine, surtout que je ne poste mes petits textes au mieux qu'une fois par mois.

Et puis, il y a la concurrence redoutable : le marché le plus compétitif ne serait-il pas celui de la connerie transcendante, celle qui vous ferait presque croire en Dieu si une opportune cirrhose de la foi n'entravait cette crédulité grâce aux accents salvateurs d'un alcool fort servi frappé ? Enfin, pour l'alcool, je rassure mes lecteurs, je n'appartiens pas aux alcooliques anonymes : d'abord, j'étais reconnu ; ensuite, je n'ai pas eu le mauvais goût de renoncer à l'un ou l'autre excès ponctuel, même si je ne me prends plus pour un batelier de la Volga sur les trottoirs d'Ixelles, expérience mystique due à une démarche plutôt chaloupée. Fi de ce cabotage éthylique, revenons à nos cabotins de l'opinion sur rue.

Lorsque je vois ce que j'entends, je me dis que je suis content de penser à tout autre chose : même si d'aventure je ne pensais à rien, le néant me semble préférable à ces leaders d'opinion qui en groupe, en cortège ou en procession se mettent à dévider leurs souverains poncifs. Les forums s'abreuvent des petites phrases, bien anodines, de tel ou tel auxquelles répondent les sentences bêtasses du quidam de service et ses généralisations intrusives autant qu'abusives. Et les préjugés, préformatés et vendus à la douzaine, de se répandre, un peu comme mon café lors des petits matins blêmes.

Non, je ne citerai pas de noms : il m'arrive de fréquenter les mêmes lieux communs et, si mon physique me prémunit d'un quelconque face à face, le nombre et le sérieux de ces prétentieux individus m'assureraient une défaite certaine. Devrais-je entamer, comme cet écrivain que j'aime encore, malgré l'outrecuidance dont il fit preuve en mourant bien avant ma naissance, un dictionnaire des idées reçues où Monsieur Untel verra un filtre alors que l'ami Gustave lui tendait un miroir ? Je ne m'en sens ni la force ni la volonté : et puis, j'ai peur d'échanger des idées avec certains et de me retrouver avec cette fichue peur du vide qui me lancine, tel le militant qui se rend compte qu'il ne peut plus, sans se casser la gueule, s'incliner sur le fil des acrobaties verbales de ses orateurs anciennement préférés qui, par leurs discours et leur prétendu bon sens, éradiquent leurs idéaux en s'en gargarisant.

Nous sommes entrés dans l'ère du verbeux pathologique : des monceaux de paroles nous guettent au coin de la rue. Les conversations ne sont plus sûres : entre les dénonciateurs du politiquement correct et les franchisés de la pensée eunuque, l'individu se retrouve toujours à devoir contester sans jamais affirmer. Pire encore, il croit qu'il pense, le naïf, parce qu'il n'est pas d'accord avec tout le monde : il ne lui reste plus qu'à trouver un accord avec lui-même, à se foutre du monde à tort et à travers, à déchirer le rideau de fumée des idées creuses et clinquantes par la seule arme de distraction massive qui lui reste : la dérision.


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