jeudi, août 28, 2008

Check Point Charlie ?


Il y a quelques semaines, un échange de prisonniers avait lieu à Check Point Charlie : le dessinateur Siné, arrêté par le Staff de Charlie-Hebdo, passait la frontière en échange de Richard Malka, avocat du journal et de Clearstream. L'échange s'est passé en présence de quelque 15 mille et vingt témoins, selon le secteur choisi et la pétition signée. Cet échange s'est fait au nom de la liberté éditoriale.

Vous allez me dire que je déraille et que je ratiocine sur l'affaire Siné, à nouveau : ce qui n'est pas tout à fait faux, à condition que j'accepte une telle familiarité de votre part, cher lecteur, mon semblable, mon frère. Mais l'actualité, tel un bourrelet échappé de son (mon ?) short, rebondit allègrement en cette fin d'été puisque Siné annonce la création d'un hebdo que je n'ose rêver trouver en kiosque dès le 10 septembre. La rédactrice en chef en sera son épouse qui nous évoque l'affaire dans une interview sur Bibliobs et surtout un coup de fil de Philippe Val où ce dernier aurait avoué que le propos sur Clearstream était la raison de son courroux : "A l'époque, on croyait encore aux menaces des Sarkozy (mais les intéressés ont démenti par la suite). Je lui demande si c'est l'affaire Denis Robert qui le met dans cet état, car Bob en a parlé favorablement, il me dit oui. Je lui demande s'il a parlé à Claude Askolovitch avant son passage à la radio, il me dit oui. Il doit regretter aujourd'hui de m'avoir dit ça. Mais il me l'a dit."

J'avoue avoir envie de passer un cap, de l'écoeurement au dégoût : si les dires de Val étaient avérés, cela signifierait qu'un patron de journal, pas n'importe lequel, peut se permettre le lynchage d'un vrai journaliste, Denis Robert, sous la caution d'une certaine amitié avec l'avocat (et un peu plus puisque scénariste d'une bande dessinée récente) de sa publication et peut renvoyer un "collaborateur" qui n'obtempérerait pas à ses propos éditoriaux en instrumentalisant un antisémitisme très hypothétique. Si les faits étaient confirmés, Philippe Val ne manquerait pas seulement de style, comme l'un quelconque de ses éditoriaux, mais de classe et d'honnêteté intellectuelle. Et le "C'est dur d'être aimé par les cons" qui sort de ces temps-ci ne serait plus un trait d'ironie mais l'aveu maladroit de la "nouvelle" mentalité d'un journal qui n'a plus grand chose de satirique et où le patron aurait des allures de despote clignotant.

En effet, certains faits sont têtus, comme le rappelle Umberto Eco dans l'une des chroniques rassemblées dans A reculons comme une écrevisse : il est d'ailleurs plus agréable de ne pas toujours être d'accord avec quelqu'un d'aussi intelligent qu'Eco plutôt qu'avec certains éditorialistes spécialisés de la presse française, parce qu'au moins il laisse au lecteur l'impression agréable
de ne pas être pris pour un con. Il semblerait donc que l'affaire Siné soit liée à l'affaire Clearstream et que le directeur de Charlie-Hebdo ait délimité les bornes de ses pratiques éditoriales et de son territoire, comme n'importe quel grand fauve qui urine ses avis autorisés dans les médias. Je pensais Philippe Val méprisant : ne serait-il que méprisable ?

Si je finis par trouver Siné-Hebdo dans une librairie - je n'ose utiliser le mot kiosque puisqu'en Belgique il évoque davantage les fanfares que les baveux -, je n'aurai même plus à parcourir occasionnellement le Charlie sous copyright pour voir si j'ai envie de m'ulcérer à le lire à moitié, en sautant tout ce qui m'indiffère ou m'exaspère. Et je pourrai peut-être reparcourir un journal non seulement bête et méchant
mais surtout irrévérencieux.


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour du Duke

Anonyme a dit…

Cher Ubu,
C'est à son auteur qu'un blog doit d'abord plaire. Je comprends tes modifications de ligne éditoriale, mais plus tes articles devenus trop compliqués pour mon esprit matérialiste.
Le titre du film "C'est dur d'être aimé par les cons" dont tu parles, devrait m'aller (j'ignore si "devrait me soir" est correct), mais dans le rôle du con...
J'ai bien peur de n'être plus bon que pour l'hospice!
Amitiés

Ubu a dit…

Bonjour à toi aussi, Duke ;-)

Cher Armand,
En fait, ce sont surtout les hyperliens qui permettent de comprendre cette micro-polémique, certes confuse puisqu'impliquant des gens très proches...
Et puis, cela m'a permis de reposter ;-)

Amitiés