Il y a déjà quelque temps que je songeais à réactiver ce blog, sans doute par envie de mêler ma voix et mes fadaises aux millions de commentaires, souvent ineptes, sur ces quelques anecdotes que l'actualité nous livre en pâture. Mes hésitations proviennent sans doute de ce fait souvent oublié : en tant que simple commentateur, je serais seulement appelé à commenter d'autres commentateurs, ce qui m'évoquait avec horreur ce catalogue de bibliothèque de Borges appelé à être inscrit dans un nouveau catalogue...
Pour mon malheur, je me suis remis à parcourir la presse, ce bruit de fond permanent qui nous résume le monde tel que nous devrions le voir en une hiérarchie douteuse. Je ne me suis jamais fait d'illusion sur sa qualité d'objectivité ni sur la constitution d'une presse d'opinion fondée sur la simple honnêteté intellectuelle : les grands médias - même si les nôtres restent à l'échelle de notre pays - restent tributaires de leur financement publicitaire, qui en affecte le contenu rédactionnel. En bref, la presse n'est que de l'info résumée qui se vend à un point tel que je ressens parfois cette étrange impression de parcourir le folder du magasin du coin. Entre prêt à penser et prêt à consommer, il y a sans doute les restes d'une marge qui a dû agoniser quelque part, hormis dans quelques journaux satiriques anciens ou récents. Quant au courrier des lecteurs, transformé en forum de discussion, n'en parlons même pas : chacun y jette sa liberté d'expression à la tête de son voisin en un combat où borborygmes, préjugés et assertions tiennent lieu d'argumentation, comme si chacun se rêvait chroniqueur. L'insignifiance appelle l'insignifiance...
Pourtant, parfois, je ne puis m'empêcher de sursauter face aux hasards de l'actualité : quand le décès d'Albert Jacquard, à qui je rends un hommage particulier pour son coup de gueule contre l'assaut de l'église Saint-Bernard et contre le ministre de l'intérieur de l'époque, se voit suivi des déclarations pontifiantes de bêtise du ministre de l'intérieur actuel et de l'expulsion d'une gamine, la réalité se rappelle dans toute son intransigeance. Il me revient alors le souvenir d'un certain seuil de tolérance, cette manière très polie de traduire l'adage populiste toujours en vogue : "On ne peut pas accueillir toute la misère du monde" La contamination est sans doute devenue telle que certains partis sont devenus acceptables, passés de l'extrême droite à la droite extrême, tandis que les autres, supposés démocratiques, envisagent des alliances sans scrupules au nom du réalisme politique... La raison politique ressemble de plus en plus à un effet de discours propre à la communication médiatique, notre nouvelle pensée superstitieuse.
Ne confondons pas imaginaire et irrationnel. L'imagination n'est vraiment dangereuse que si la raison lui apparaît comme une contrainte insupportable; alors, toutes les absurdités deviennent possibles. Notamment lorsque l'imagination est appelée pour suppléer notre impuissance, comme dans le cas des actes superstitieux. Ce n'est pas alors l'imagination qu'il faut incriminer mais le refus du recours simultané à la raison. Albert Jacquard
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