mercredi, octobre 30, 2013

Opinion, que ne dit-on en ton nom !

Une polémique, en fait une bataille de cour de récré, agite le landerneau scolaire : les cartes blanches se reproduisent à un rythme tel qu'il me faut me plier à l'évidence de leur reproduction sexuée, similaire sans doute à celle de ces quelques lapins égarés en Australie au début de la colonisation. Et je ne parle même pas des commentaires baignant dans la dignité outragée, dans l'expertise de circonstance, dans la brève de comptoir. Mais comme tout ce qui est sexué m'intéresse (je dispose toujours de temps pour le démon de midi)

Tout avait commencé à la fin des vacances d'été par le pamphlet de Frank Andriat : un équivalent du fameux tube de l'été pour les rentrées scolaires. Assez logiquement, ce texte qui me semble relever de cette insignifiance commune aux salles des profs en fin de journée s'attira une réponse inepte de la nouvelle ministre récemment entrée en fonction. Ces postures, typiques du jeu de rôle, m'amènent fréquemment à refuser de prendre position : j'ai suffisamment souffert de la démolition de la représentation de l'enseignant sous un certain ministère, horresco referens, pour à peine sourciller face aux billevesées énoncées par un collègue lointain, assez mauvais écrivain pour être promu en Communauté française, et une ministre étrangère aux affaires... J'avais assez de la rentrée pour estimer que les effets de discours passaient très loin au-dessus de ma petite réalité quotidienne...

Et voici que l'on me gâche encore mes congés, au début pour changer, avec un nouveau conflit des interprétations. Une enseignante, par ailleurs élue d'un parti qui a bien démoli l'enseignement lors de ses multiples législatures, revendique son droit aux congés au nom de la pénibilité de la tâche pédagogique : le stéréotype est loin de m'être inconnu et il m'ennuie toujours autant. Et les réponses de fuser, exclusivement féminines comme me le signalent ma misogynie et mon incapacité à utiliser une comparaison forcément imagée sur une course de spermatozoïdes condamnés à se répandre dans un œsophage complaisant. Les réponses jaillirent donc, d'une journaliste assise sur son opinion, et d'une parente d'élève, tout aussi communicante que la précédente, qui se prévalaient d'une expertise circonstanciée pour attaquer le phénomène des congés scolaires et, surtout, évoquer la pénibilité de leurs boulots respectifs : du haut de leurs maigrelettes carrières professionnelles, de leur haute compétence fondée sur une incapacité à rédiger un texte intéressant et de ce qui transparaît de leurs frustrations, j'ai cru me retrouver dans un album de Brétécher, en beaucoup moins drôle il est vrai.     

Tous ces textes d'opinion, peu fondés et rarement argumentés, prétendent relever de la culture du débat : ils ne sont que de pitoyables actes de communication, davantage fondés sur un contexte que sur une réflexion. Un peu comme ces remises en cause du réchauffement climatique selon la fraîcheur de l'hiver, de l'automne, du printemps ou même de l'été qui, c'est sûr, est voué à ne pas passer l'hiver ! Et comme ces aimables ventilations de préjugés, assénées avec une lourdeur digne d'un tripoux auvergnat, ne me semblent que flatulences mal maîtrisées, je ne puis que conseiller à leurs auteurs une bonne purge commune, pour autant qu'ils s'engagent à ne pas laisser traîner les fruits de leurs piteux efforts sous mes yeux délicats. Bref, que leurs textes cessent de m'emmerder !

J'aime suffisamment mon métier pour ne pas le reconnaître dans les jérémiades de salle des profs, même si parfois je m'y défoule aussi, ou dans les jugements à l'emporte-pièce de ceux qui ont usé leurs fesses à l'école : je ne sacraliserai pas mon métier parce que je n'en ai pas besoin. Mon quotidien me plaît suffisamment pour que je savoure les heures passées en classe, les découvertes qui stimulent ma curiosité intellectuelle ou relationnelle, tout ce qui me fait avancer pas à pas. Et lorsque des circonstances tentent de s'imposer, je les rappelle à l'ordre et les replace là où elles le méritent : en périphérie, très loin, à la mesure de leur importance de quantités négligeables. Je ne ressens pas ce besoin de me constituer un résumé appétissant de ma profession en dénigrant celle d'en face : j'apprécie tout amoureux de son métier qui continue à en chercher la signification exacte, qui accouche de son chef d'oeuvre sans se laisser décourager par de fausses sympathies de collègues qui cherchent dans d'improbables joutes leur propre légitimité ou par des critiques peu avisées dont l'acrimonie ne garantit en rien la pertinence. J'aime prendre un plaisir de saltimbanque à mon métier : le sérieux et la lourdeur en ôteraient tout le charme.

Parce que je suis bien trop corpulent pour me laisser enfermer dans un cadre, parce que je ne serai jamais sage comme une image, parce ce que j'ai bon goût et que je m'aime bien, je persiste et signe : je suis un prof.

  

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