samedi, octobre 21, 2006

La loi de la jungle ?


J'avoue que je me pose souvent des questions sur la compétition et sur les supposées valeurs qu'un système exclusivement commercial pourrait engendrer : c'est un peu comme si mon épicier ou mon boucher m'indiquaient comment vivre ma propre vie, comme si j'alignais mes quelques conquêtes féminines sur un tableau de chasse qui me préciserais, statistiques à l'appui, que je dispose toujours des ressources indispensables à un attentat à la pudeur , de préférence quand les jours s'allongent. Et il n'y aurait pas qu'eux, me rappelait encore l'obsédé de la rue Tartarin.

En fait, pour caricaturer - et un blog est-il autre chose que le dessin caricatural de soi-même ?- deux options s'offriraient à chacun de nous : ou se soumettre à la loi, expression de la collectivité, ou se soumettre à la compétition, expression du monde commercial. Inutile de préciser qu'aucune option ne me semble satisfaisante : même si j'avouerais plutôt ma confiance, toute relative et pétrie de critiques, en la loi, je refuserais de me soumettre à une quelconque règle dont je ne comprendrais pas la légitimité.

Il nous arrive à tous de confondre l'excellence et la compétition, ce qui nous amène à incriminer les lois qui posent le plus petit commun dénominateur. J'avoue ma perplexité. La compétition ne nous améliore pas : elle nous astreint à un objectif, ce qui nous mène à devenir dépendant de cette quête du meilleur résultat. J'ai ainsi l'impression de voir le libéralisme le plus ultra se revêtir des oripeaux de Stakhanov et transformer l'individu en homme-machine, réduit à sa stricte utilité. Et je me prends à imaginer, dans mes rêveries, les différentes parties de mon corps s'essayant aux plus hautes performances : je tombe alors de mon lit. Et je me rappelle ces prétendus modèles de réussite : Bill Gates, inventeur de pas grand chose ; ces sportifs de haut niveau acclimatés au banc de touche ou aux procès pour dopage ; la télé-réalité et ses vainquers qui expriment la médiocrité commune. Et le bon peuple d'applaudir à ces succès de pacotille qui essaiment leur fraude, qui gangrènent nos quelques valeurs en leur attribuant un quelconque prix d'excellence usurpé.

Personne n'excelle par rapport aux autres : se surpasser est d'abord une performance individuelle, dérisoire si elle ne s'exécute que pour les impératifs du spectacle. Je peux me sentir fier de ce que j'ai accompli, si j'ai pris plaisir autant à la recherche de mes propres ressources qu'au résultat final. En fait, le résultat le plus important, c'est d'abord la mise au jour, comme le voudrait la maïeutique socratique, de mes capacités - et non de ces compétences qui me soumettent à une tâche - et l'éveil de ma liberté, qui s'inscrit et se déploie sur cette page blanche de mes jugements, que je remplis au fil de chaque jour.

Je me prends encore à rêver : je me vois assis dans une jungle où la loi, minimale, me laisse le temps de respirer, de faire une pause et de rêver. Assis à l'ombre d'un arbre dont je ne serais pas contraint de retenir le nom, je regarde en paressant la vie qui grouille autour de moi, dans sa diversité, sans jamais la réduire au filtre seul de mon regard. J'y perçois un exploit collectif sans cesse renouvelé, sans jamais me sentir contraint d'en faire partie, parce que j'en suis un élément nécessaire et non utile, comme chacun de ceux qui la constituent. Chacune de mes pensées ou de mes actions acquiert cette nécessité en se refusant à toute utilité. Chacune a l'importance que je peux lui accorder en fonction de mon propre jugement et de la situation qui secrète.

Et puis, pourquoi se presser, se stresser, se contraindre ? En fin de compte, j'arrêterai la terre à son prochain passage.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Tiens, tous les vieux commentaires sont partis...
Et ils ont eu la bonne idée d'emporter avec eux l'hébergeur de commentaires (qui ne démarrait qu'après que toutes les publicités et compteurs soient terminés)!
La simplicité, il n'y a que ça de vrai.
Amitiés.
R. I. P.

Ubu a dit…

Cher Armand,

Pas d'inquiétude : je les ai sauvegardés et les colle dès que je dispose de suffisamment de temps.

Sinon, j'ai en effet viré Haloscan : impraticable avec cette version de Blogger ;)

A bientôt

Ubu a dit…

PS : de quelle publicités et de quel compteur me parles-tu ? Je n'ai rien installé de tel...

A bientôt

Anonyme a dit…

Cher Ubu,
Maintenant, il semble ne plus y en avoir...
Amitiés et bon dimanche.

Ubu a dit…

Bonjour Armand ;)

Si jamais tu repasses par ici, je reposte provisoirement sur mon ancien blog de Skynet

Amitiés ;)