jeudi, avril 12, 2007

Deux personnages en quête d'auteur ?

Ces vacances se passent plutôt bien : le printemps sourit, le soleil brille, les jours s'allongent tandis que les jupes raccourcissent, selon un paradoxe bien connu. Et puis, les mauvaises nouvelles prennent une certaine distance quand on prend le temps d'avoir le temps.

Pourtant, deux personnages ont perdu leur auteur durant ces deux dernières semaines : l'inspecteur Ali et Kilgore Trout. Driss Chraïbi, le créateur du premier, est mort le premier avril : un drôle de poisson pour un écrivain capable de manipuler l'humour à travers les aventures de son personnage fétiche. Kurt Vonnegut est mort ce mardi, ou peut-être mercredi, ce qui dénote une certaine indécision qui lui était coutumière. Par contre, Pascal Sevran et Christine Angot sont toujours vivants : il est vrai que la face de la littérature ne serait pas vraiment modifiée par la disparition de ces écrivaillons médiocres qui accommodent les restes de leur vie insignifiante en autant de réflexions censées animer les soubresauts des hospices gériatriques ou des bistrots pour bobos quadragénaires. Et le pire, c'est qu'ils ne le sont même pas, les pires : ils sont juste un peu plus médiatisés que la moyenne parce que leurs interviews sont vendeuses. Et l'animateur invertébré de télévision d'exposer ses pensées en toc face à l'écrivaine animée de tous ses tics : s'affirmer ne veut pas dire réfléchir...

Avec Chraïbi et Vonnegut, ce sont deux défenseurs d'une autre conception de la littérature qui disparaissent : dans leurs oeuvres, ils s'étaient créé un alter ego avec qui ils entamaient une conversation. Ils construisaient une relation textuelle, porteuse d'autant plus d'émotions qu'elles s'affinaient entre sentiments et intelligence. Chraïbi envoyait son inspecteur aux confluents de ses errances et le transformait en point de jonction : de ses cultures conflictuelles, des relations équivoques d'un auteur avec son personnage, d'un passé lourd de souvenirs et d'un présent qui pardonne sans oublier. Vonnegut, lui, envoyait son écrivain raté sur les routes de tous les possibles : il y exprimait une satire du cauchemar, entre Dresde et les territoires rêvés de la science-fiction. Au fond, ils se livraient bien davantage que dans des autobiographies de circonstance, crapoteuses versions longues des articles de la presse de caniveau, ou dans des journaux qui visent Léautaud mais tapent lamentablement à côté.

La disparition de Chraïbi et de Vonnegut nous ferme un monde, là où d'autres nous auraient simplement débarrassé l'horizon : certaines absences brillent.


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Faut pas demander comme je suis doué en histoire de la littérature : je ne les connaissais pas.
Je n'ai jamais lu du Sevran ni les chevauchements de Madame Angot mais j'ai lu les mémoires de F. Mitterand auxquelles je n'ai rien compris ! (je ne suis pas arrivé à dépasser la page cinquante...). Bof ! J'attendrai qu'il soit décédé pour les terminer !
A plus.
Rhadamanthe.

Anonyme a dit…

Pascal Sevran et Christine Angot ?
Je n'aurais pas osé le dire ...

xian

Ubu a dit…

Cher Rhadamanthe,
J'ai des lectures marginales ;))
Ah, Sevran, le Nisard de nos télévisions ;))

Cher Xian,
Je songe à une sortie en DVD via La Dépêche :)))