samedi, mai 03, 2008

Repose-toi bien, grand-mère

Ma grand-mère est décédée cette nuit pendant son sommeil : c'était cette petite dame que mon grand-père avait figuré entre deux de mes cousins, en compagnie d'une de ses modèles, dans sa dernière série de peintures.

J'avoue que, pour des raisons qu'il serait fastidieux d'expliquer, je n'ai pas tellement l'esprit de famille mais sa présence, sa ténacité et son fichu caractère vont quand même me manquer, même si elle était un peu perdue depuis le décès de son compagnon de toujours.

J'espérais pour elle qu'elle ne souffre pas dans ses derniers instants : ce fut apparemment le cas. J'espère maintenant pour elle qu'elle a rejoint son mari dans ce ciel auquel ils croyaient tous les deux, même si ce n'est pas mon cas : je lui souhaite avec affection le fruit d'une de mes erreurs possibles, les plus nombreuses.

Et puis, nous nous donnerons rendez-vous, tôt ou tard, au hasard d'un souvenir ou d'un songe.

A tôt ou tard.

dimanche, avril 27, 2008

Les fantasques aventures de Miss Bille : le mystère des archivistes disparus.

Miss Bille, enquêtrice de choc, ne pouvait se résigner aux éternels barrages de Madame Courteneau, digne bibliothécaire que la fréquentation des livres avait affublée de cette friabilité propre aux vieux manuscrits : et puis surtout, il lui fallait enfin apprendre la vérité sur cet archiviste mystérieux que personne, de mémoire de lecteur assidu, n'avait vu sortir, entrer ou travailler dans cette bibliothèque. L'énigme s'avérait propre à exciter les neurones toujours en éveil de notre enquêtrice : c'est donc d'une main alerte qu'elle se saisit de sa carte de lectrice, renversant ainsi le joli vase, cadeau d'une périgourdine, qui renversa son contenu sur un vrai tapis d'Occident brodé par des épouses de marins bretons disparus en mer, d'où le nom et le motif de la plage de Locquirec sous la pluie.

Nous résumerons en une ellipse fulgurante le parcours de notre détective afin d'épargner les nerfs déjà bien fragiles de son assureur et de ménager la susceptibilité des divers accidentés de la route ou du trottoir qui se retrouvèrent, ébahis, après une rencontre fortuite qui sur les genoux d'une vieille dame assise sur son banc et tricotant des mitaines, qui en pleurs dans les bras d'un gendarme compatissant et moustachu, qui le nez sur la pédale de frein et le pied gauche passant négligemment par la fenêtre à la suite d'un dérapage mal contrôlé. Nous devons pourtant à l'honnêteté de préciser que le dérapage n'était pas le fait du conducteur, hormis les écarts de langage postérieurs à l'accident, mais bien provoqué par Miss Bille, ce qui reste d'autant plus énigmatique qu'elle se déplaçait à pied.

Son arrivée à la bibliothèque fut, par contre, très discrète et elle profita d'une absence de Madame Courteneau, fascinée par un corps de balais et de plumeaux artistement éparpillés dans le couloir, pour plonger vers cet escalier secret où se trouvait probablement le donjon de l'archiviste, non sans avoir au gré d'une manoeuvre pas vraiment préméditée envoyé valdinguer l'intégrale de Jean D'Ormesson et celle de Fustel de Coulanges reliée en peau de zébu afin d'établir un barrage salvateur entre le monde du silence et des lecteurs et ses propres aventures.
Oserons-nous préciser que Miss Bille, enquêtrice, dévala quatre à quatre les onze marches de l'escalier, ce qui lui permit de rater les trois dernières et de heurter la porte de bois usé du bureau des archives. Assez logiquement, puisque tout est logique dans une enquête, une voix teintée de yiddish l'invita à entrer.

Après un rapide examen de ses multiples contusions, Miss Bille entra : deux hommes lui faisaient face. Le premier avait cet aspect efflanqué et distant des employés de mairie qui ont trop vu de mariages et qui rêvent de leur canapé quand la frimousse timide de la promise ose un oui ouaté tandis que le futur époux recompte sur ses propres doigts pour retrouver ce fichu annulaire ; le second, rondouillard et souriant, affichait des cernes de fatigue, une calvitie bien entamée et semblait porté par sa chemise raide. Autour d'eux des masses de papier même pas relié dévalaient en cascade de leurs bureaux par suite du double effet du courant d'air provoqué par la porte encore entrouverte et de la galanterie qui pousse encore les messieurs à se lever en présence d'une dame, fussent-ils archivistes mystérieux et elle enquêtrice de choc.

On se présenta : Miss Bille, je le rappelle pour ceux qui n'auraient pas suivi ; Jérôme Bartlebille rima l'efflanqué ; Isaac Laquedem dissona le second. Puisque l'on s'était nommé, Miss Bille attaqua et réclama ces ouvrages rares et précieux qu'elle demandait en vain aux étages mais que jamais, au grand jamais, Madame Courteneau n'avait pu lui délivrer à cause de l'archiviste. Elle avoua, ce qui est inopportun pour une enquêtrice mais passons, qu'elle comprenait d'autant moins que là où un seul archiviste, prétendument absent, pouvait venir à manquer, deux bien présents ne pouvaient s'abstenir. Bartlebille soliloqua un énigmatique : "Je préfère ne pas !" tandis que Laquedem soupira, ce qui fit un bruit de vieux gond entre ses dents usées. Il parla d'une voix douce.

Les livres n'existaient pas : c'étaient les lecteurs qui provoquaient la création en les demandant aux comptoirs des bibliothèques et les personnages qui devaient les constituer devaient alors rassembler les mailles et les décors de leurs récits afin de permettre aux lecteurs de rêver d'horizons lointains et de situations dramatiques. A chaque génération, les difficultés s'accumulaient : il fallait enterrer les personnages morts, détruire les décors obsolètes et procrastiner quand un lecteur scrupuleux réclamait telle ou telle oeuvre dont on pouvait pourtant penser que le temps avait effacé jusqu'au souvenir. Bartlebille était chargé de répondre à Madame Courteneau qu'il préférait ne pas chercher le livre demandé, ce qui avait réduit la brave dame, pourtant d'un naturel joyeux lors de son entrée en fonction, assidue aux tisanes arrosées d'anti-dépresseurs mélangés à des calmants, tant la voix de Bartlebille traduisait particulièrement bien son aspect spectral.

Bien sûr, l'essentiel de la littérature moderne fournissait ses propres personnages, en fait les auteurs eux-mêmes, et les décors étaient ceux d'appartements ou de maisons sises dans des villes connues de tous : d'ailleurs, qui s'intéressait encore aux décors ? Laquedem se retrouvait donc à devoir, depuis un certain personnage auquel il n'avait pas cru et pour lequel il n'osait toujours pas se prononcer, rédiger des oeuvres lues pour animer les pages blanches ou effacés des chefs d'oeuvre littéraires. Il devait rappeler les esprits de Sancho et d'Obéron, invoquer les mânes de Renart et de Sinbad, apprivoiser Moby Dick et Bagheera tout en recréant l'Atlantique, les Indes ou le pays gaélique. Et ce travail de titan durait depuis bientôt deux mille ans et sa fatigue s'accroissait de chaque cote reçue, dont les numéros kabbalistiques désignaient toute cette matière imaginaire qu'il faudrait associer, l'état requis pour le papier et même les caractères d'imprimerie qu'il faudrait utiliser. Avec tout ce travail, impossible de classer les archives de la réalité : l'imagination des lecteurs la dépasserait toujours.

Miss Bille, d'une petite voix, osa proposer son assistance aux deux archivistes épuisés et suggéra, pour les soulager d'un soupçon de leur peine, de lancer un jeu d'écriture auprès de ses compagnons virtuels afin que ceux-ci relancent des personnages vaguement inspirés de la réalité en les transformant en de belles illusions qui naviguent sur le réseau des affinités.

Cette solution fut adoptée et entra en vigueur ce 27 avril de l'an de Grâce deux mille et huit.


mardi, avril 08, 2008

Coupure publicitaire

Je déroge à mes habitudes en fournissant une petite page de pub à une table ronde organisée par le tenancier de La lettre aux amis, qui en est un justement. Peut-être que vous pourrez croiser Ubu sur place, puisqu'il hiberne à deux pas de là, que c'est le printemps et que j'essaie de comprendre ce que pourrait être le Web 3.0.

LA LITTERATURE AU PAYS DES ORDINATEURS

Table ronde et promenade virtuelle

Les techniques informatiques et plus récemment l'internet ont modifié en profondeur le rapport de l'écrivain à son public, parfois même à son œuvre. Dans un esprit ludique, plusieurs personnalités, comme Nicolas Ancion et Laurence Vielle, se raconteront à coup de clics, de menus déroulants et de blogs, au cours d'une soirée où l'on surfera en musardant. La soirée sera composée de moments de débat, visionnements de sites internet et de blogs sur grand écran, lectures d'extraits de textes lauréats du Prix interrégional Jeunes Auteurs.

Le Prix Interrégional Jeunes Auteurs a pour vocation d'encourager la création littéraire chez les jeunes de 15 à 20 ans en Suisse romande, en Franche-Comté, en Alsace, en Bourgogne, en Champagne-Ardenne, en Vallée d'Aoste, en Roumanie et en Belgique, en français langue maternelle et en français langue apprise. Il souhaite être un lieu d'échange. Il permet une première confrontation avec le public puisque les textes retenus sont publiés aux Éditions de l'Hèbe. Il offre en outre aux lauréats l'occasion d'une vraie rencontre en les invitant à partager un moment lors de la remise des prix. Ainsi, il espère offrir à ceux que la plume démange un prétexte pour passer à l'acte et aux pages noircies en secret l'occasion de sortir du tiroir. Le PIJA 2007 a réuni 880 textes.


vendredi, avril 04, 2008

La Louvière en fête


La Louvière était donc la ville des mots et, faute de temps disponible, j'ai raté l'événement. Il ne me reste donc qu'à surfer sur le site du centre culturel local où, en vrai carabinier d'Offenbach, j'essaie d'imaginer les activités de l'autre capitale du surréalisme belge.

J'ai trouvé l'une ou l'autre trace de ce que j'ai raté, entre autres les sculptures de Claire Kirkpatrick, qui m'amusent beaucoup : j'aime bien les lycanthropes quand ils marchent à la queue leu leu dans la ville des loups.

Si vous passez par ma petite ville préférée, la ville d'Achille Chavée, n'hésitez pas à vous y attardez : malgré ses apparences sinistres de ville industrielle, elle se montre souvent plus généreuse que ses mesquines voisines, tout campanilisme mis à part.


dimanche, mars 30, 2008

Sexe Machin

N'est-il pas avisé d'évoquer le sexe lorsque l'on écrit des texticules ? Je viens d'achever la lecture d'un petit bouquin d'Edouard Launet, intitulé Sexe Machin, un hommage relatif à James Brown et aux scientifiques qui doivent l'écouter très sérieusement le matin en analysant leur café tout en rédigeant un rapport circonstancié de leurs activités nocturnes.

Etude des stimuli, caractérisations comportementales, erreurs d'aiguillages ou même résonance magnétique d'un accouplement, encore plus fort que la copulation de Vinci (ci-dessus) : les anecdotes abondent et mettent davantage en perspective certains délires scientifiques plutôt que des idées reçues sur le sexe. Il en va ainsi d'une étude sérieuse, forcément, sur la corrélation entre les fluctuations en bourse et la longueur des mini-jupes : j'éviterai de pousser plus loin mes propres commentaires, puisque j'ai tendance à juger, selon ma propre expérience, que les obstacles insidieux se multiplient sur les trottoirs lorsque de jolies jambes se dévoilent enfin après leur hibernation forcée. Je dois avoir l'esprit scientifique.

Plus sérieusement, si j'ose le penser, je viens aussi d'achever un guide publié par Charlie-Hebdo, à la suite de prises de position sur l'amendement Mariani, et intitulé L'ADN expliqué à Sarkozy, moins réjouissant que l'ouvrage d'Edouard Launet : j'avoue que je reste perplexe sur l'utilisation du fichage en matière de criminalité, puisque l'on justifie par l'existence d'une technoscience une pratique culturelle, quitte à en revenir au déterminisme très en vogue au dix-neuvième siècle où phrénologie et physiognomonie étaient censés indiquer le comportement d'un individu. il est toujours intéressant de voir comment la fiction s'inspire de la réalité, comme dans le réalisme et le naturalisme : il est par contre redoutable de voir la réalité reconstruite comme une fiction dans le discours politique ou économique.

Je ne vais pas rappeler la citation de Rabelais à propos de la science : si elle est connue de presque tous, force est de constater qu'elle n'est plus qu'une référence vaguement scolaire. Le monde judiciaire connaissait déjà le danger de l'expertise, sujette aux erreurs et aux interprétations : son extension inconséquente à tous les domaines de notre vie sociale requiert certainement notre vigilance, faute de quoi nous devrions constater notre incapacité à utiliser avec intelligence les outils auxquels notre créativité nous a permis d'accéder.

A quoi servirait-il de détruire les chapelles s'il nous faut toujours construire de nouveaux temples ? Le lecteur avisé comprendra que je préfère les études sur la longueur des mini-jupes : l'absence de nécessité est à la source du plaisir.


jeudi, mars 27, 2008

Ma petite radio ne connaît pas la crise

Je vous ai placé trois nouveaux morceaux dans ma petite radio, juste dans la colonne de droite : je me demande d'ailleurs pourquoi je le précise, à moins que ce ne soit par ce pur plaisir d'imaginer certains d'entre vous cherchant, par esprit de contradiction, une colonne de gauche qui est, précisément, celle que vous êtes en train de lire, à cette réserve près de ceux qui me liraient en faisant le poirier, ce que je déconseille fortement, sauf aux antipodes.

Bref, je vous ai placé deux extraits d'un album d'Ute Lemper, ce qui me permet de vous rappeler que j'aurais, à l'époque, volontiers pratiqué le contre Ute (voir photo), puisque cet album date de plus de vingt ans : les deux chansons, intitulées Mes deux amants et Peur, me restaient en mémoire comme des souvenirs agréables, ce que leur écoute confirme. J'avoue d'ailleurs que malgré les frimas hivernaux de ce début de printemps, le rouge me monte aux joues et que sous la robe dignitaire du professeur se cache... je ne vous raconterai pas, par simple décence. Et puis, je ne vais pas piquer les répliques de Pierre Desproges.

Autre morceau, une reprise du standard Sint James Infirmary par Lou Rawls : un superbe blues que la voix de Chicago amplifie à merveille. Evidemment, les connaisseurs préfèreront sans doute l'original d'Armstrong mais il faut aussi apprécier le jazz dans ses adaptations, puisqu'elles sont sa substance même.

Bonne écoute.


mercredi, mars 26, 2008

Les loges de la bêtise ?

Je m'étais promis de ne plus vous parler de Flaubert. Et puis, en me gratouillant la bedaine sans élégance, certes, mais devant un café brûlant, je n'ai pu m'empêcher de jeter un regard consterné sur un articulet d'un journal numérique à fort tirage : sans doute pour allumer les feux virtuels de nos passions mortes ?

En résumé, un papa horrifié d'un collège catholique huppé a découvert avec horreur que son bambin lisait, à l'instigation de son professeur de français, le roman La nuit des enfants rois de Bernard Lenteric. L'horreur ne résidait pas dans la découverte que son fils fréquentait un collège catholique, ce que je pourrais comprendre pour avoir partagé cette même expérience, mais plutôt dans les scènes de sexe et de viol présentes dans ce roman et dans un autre.

Il se fait que j'ai lu ce roman lors de mon adolescence : je ne l'avais pas aimé, non pas pour les raisons oiseuses du papa catholique ou pour les supposées perversités du roman qu'y trouve un inénarrable psychologue, qui plus est écrivain réputé mais pas de moi, ce qui doit expliquer pas mal de choses. Simplement, ce n'est pas la crudité des scènes violentes qui m'avait choqué, puisque je conçois que décrire la violence n'est pas en faire l'apologue et parce qu'au fond j'aime la littérature à l'estomac : non, j'étais juste agacé par ce style rapide, prétendument à l'américaine alors qu'il y avait tellement mieux chez les Américains, justement ; l'exaspération me guettait lorsqu'une fin heureuse de pacotille mit fin à ce qui ne serait resté qu'un roman noir mineur, agréable mais vite lu. J'ai donc été étonné des bonnes réactions trouvées ici et à son propos.

Ce n'est donc pas un bon roman, selon moi, que je vais défendre contre l'imbécillité coutumière qui tient lieu de réflexion à nos parents contondants, nos psychologues fumistes, nos journalistes en mal de copie à qui je pourrais prêter les miennes à corriger. C'est une liberté, de tout lire d'abord, d'enseigner ensuite, même si je ne connais pas le collègue incriminé.

Lorsque je lis, je ne cherche pas nécessairement ce qui pourrait choquer mes élèves : je voudrais simplement leur proposer des oeuvres qui ne soient pas fades et qui ne ressassent pas, à l'image de ces mauvais romans pour adolescents, les aventures de jeunes gens auxquels ils pourraient s'identifier, mais qui proposent l'évasion et aiguisent leurs sensations. Surtout, je voudrais leur permettre de se construire un goût de lecteur, leur donner envie de défendre jusqu'à la mauvaise foi ce qu'ils ont aimé, leur faire savourer le plaisir de démolir ce qui les a déçus ou ennuyés. Je me vois mal y parvenir avec des oeuvrettes consensuelles, même s'il faut parfois se détendre : en fait, à y bien réfléchir, je voudrais que mes élèves se créent un espace propre à l'évasion, un refuge, une île de saveurs dans ce monde en demi-teinte de notre quotidien. Il est vrai que je ne cède pas à l'irresponsabilité de leur faire lire n'importe quoi, la Bible (Onan, Pépère Noé, Moïse et son fiston, Sodome et Gomorrhe : et dire qu'il y en a qui se repaissent de ce genre de littérature tous les dimanches, quand ce n'est pas au catéchisme...) ou les ouvrages de Freud (dont la majorité se passe aux cabinets : une carrière de proctologue raté ?) ou encore les annales de Lacan, auprès duquel l'almanach Vermot n'est qu'une plaisanterie. Non, je leur fais lire des livres, y compris des livres voués aux gémonies (encore une belle invention !) comme Lajja de Taslima Nasreen ou Lolita de Nabokov, ne fût-ce que parce qu'il est toujours possible de s'arrêter de lire un livre, d'y réagir, contrairement à l'horreur quotidienne de l'actualité. Je leur fais lire aussi des livres parce que le lecteur peut respirer l'insoutenable sans s'y asphyxier. Je leur fais toujours lire des livres parce qu'ils nous imposent des défis.

Mais pourquoi donner cette lecture à de si jeunes enfants ? Il est vrai que la question de la maturité se pose : je ne donnerais pas n'importe quel roman en lecture commune et sans doute pas à n'importe quel âge. Je prends mes responsabilités à cet égard, même si je constate qu'il est impossible d'échapper au risque ; je me souviens de scènes de films choquantes, de l'attrait du carré blanc de mon adolescence ; je me souviens d'avoir regardé, encore enfant, des tragédies shakespeariennes (sous-titrées, qui plus est !) ; je me souviens de jeux d'enfants qui tournaient à la bagarre : je pense y avoir survécu suffisamment pour écrire ce persiflage face à la sinistre bêtise. Sans doute ai-je la chance de ne pas avoir dû refouler ma violence naturelle, qui d'ailleurs ressort quelquefois faire sa petite promenade mais sans séquelles, et d'avoir pu m'assumer. Il est vrai que ce n'est pas l'école qui m'a donné cette chance mais mes parents : ils étaient attentifs à ce que je lisais sans me contraindre autrement.

Il est vrai aussi que je ne suis ni un papa catholique ni un psychologue réputé : je n'ai donc pas d'oeillères dont me parer.



mardi, mars 25, 2008

J'en reste bouche bée...

J'avoue qu'il est difficile de rester un provocateur : si quelques sujets continuent à obtenir leur petit succès, tels que la mort ou les enfants en général - quant à la mort des enfants, je ne vous raconte pas, surtout avec les procès qui ne cessent de se succéder -, j'avoue qu'il m'est difficile de rester un humoriste à la petite semaine, surtout que je ne poste mes petits textes au mieux qu'une fois par mois.

Et puis, il y a la concurrence redoutable : le marché le plus compétitif ne serait-il pas celui de la connerie transcendante, celle qui vous ferait presque croire en Dieu si une opportune cirrhose de la foi n'entravait cette crédulité grâce aux accents salvateurs d'un alcool fort servi frappé ? Enfin, pour l'alcool, je rassure mes lecteurs, je n'appartiens pas aux alcooliques anonymes : d'abord, j'étais reconnu ; ensuite, je n'ai pas eu le mauvais goût de renoncer à l'un ou l'autre excès ponctuel, même si je ne me prends plus pour un batelier de la Volga sur les trottoirs d'Ixelles, expérience mystique due à une démarche plutôt chaloupée. Fi de ce cabotage éthylique, revenons à nos cabotins de l'opinion sur rue.

Lorsque je vois ce que j'entends, je me dis que je suis content de penser à tout autre chose : même si d'aventure je ne pensais à rien, le néant me semble préférable à ces leaders d'opinion qui en groupe, en cortège ou en procession se mettent à dévider leurs souverains poncifs. Les forums s'abreuvent des petites phrases, bien anodines, de tel ou tel auxquelles répondent les sentences bêtasses du quidam de service et ses généralisations intrusives autant qu'abusives. Et les préjugés, préformatés et vendus à la douzaine, de se répandre, un peu comme mon café lors des petits matins blêmes.

Non, je ne citerai pas de noms : il m'arrive de fréquenter les mêmes lieux communs et, si mon physique me prémunit d'un quelconque face à face, le nombre et le sérieux de ces prétentieux individus m'assureraient une défaite certaine. Devrais-je entamer, comme cet écrivain que j'aime encore, malgré l'outrecuidance dont il fit preuve en mourant bien avant ma naissance, un dictionnaire des idées reçues où Monsieur Untel verra un filtre alors que l'ami Gustave lui tendait un miroir ? Je ne m'en sens ni la force ni la volonté : et puis, j'ai peur d'échanger des idées avec certains et de me retrouver avec cette fichue peur du vide qui me lancine, tel le militant qui se rend compte qu'il ne peut plus, sans se casser la gueule, s'incliner sur le fil des acrobaties verbales de ses orateurs anciennement préférés qui, par leurs discours et leur prétendu bon sens, éradiquent leurs idéaux en s'en gargarisant.

Nous sommes entrés dans l'ère du verbeux pathologique : des monceaux de paroles nous guettent au coin de la rue. Les conversations ne sont plus sûres : entre les dénonciateurs du politiquement correct et les franchisés de la pensée eunuque, l'individu se retrouve toujours à devoir contester sans jamais affirmer. Pire encore, il croit qu'il pense, le naïf, parce qu'il n'est pas d'accord avec tout le monde : il ne lui reste plus qu'à trouver un accord avec lui-même, à se foutre du monde à tort et à travers, à déchirer le rideau de fumée des idées creuses et clinquantes par la seule arme de distraction massive qui lui reste : la dérision.


mardi, février 05, 2008

Les chants improbables

Je ne vais pas vous seriner les chants du retour à chaque fois que mes absences excèdent ce que la décence, normalement, devrait me permettre : la vie réelle est fréquemment prégnante.

Simplement, pour le lecteur occasionnel, qu'il soit bruxellois ou apparenté, même si nous savons tous que cette notion même ne cesse d'être litigieuse depuis qu'un certain coq de village a brigué, sans succès, le poste suprême de notre tout petit pays, pour le lecteur intéressé, disais-je donc avant de m'interrompre grossièrement selon une mauvaise habitude qui me fait me perdre dans les circonvolutions d'un monologue dont j'assume l'irresponsabilité, pour le lecteur avide de partager un univers graphique, soliloquais-je déjà plus haut, une exposition des dernières oeuvres de Remy Van den Abeele se tient à la Galerie Albert Premier, tout près de l'église de la Madeleine.

Je ne rappellerai pas les liens familiaux qui m'unissent à cet artiste : ce n'est sans doute pas la seule raison qui me fasse prendre la défense de cet artiste mésestimé par certains critiques idiots, ce qui relève sans doute du pléonasme. Certes, toutes les toiles ne se valent pas ; certaines, médiocres, sont d'ailleurs en trop bonne place dans cette exposition. Mais les rêveries improbables au gré d'un objet, d'un mannequin ou d'un dos entrevu excusent nombre de faiblesses.

J'éprouverai toujours plus d'indulgence pour celui qui se plante en créant : son audace dépassera toujours le verbiage infantile des commentateurs qui vous expliquent, ressources prétendument esthétiques à l'appui, qu'en fait ils apprécient ou pas ce que vous parvenez encore à ressentir. Mais le marché de l'art ne peut se construire sur des sentiments : il doit, comme toute activité économique, se fonder sur une rationalité factice, sur des semblants de professionnalisme.

J'avoue toujours éprouver des difficultés à expliquer la nuance entre l'art et l'opération mercatique : les mêmes techniques, les mêmes supports nous engagent sur d'autres chemins. Si certains préfèrent le formatage du calendrier des postes ou la prétention des installations nombrilistes, je les leur abandonne volontiers. Si j'aime parfois connaître les dessous techniques d'une oeuvre, c'est parce qu'elle m'a déjà touché intuitivement : les explications de procédure me semblent peu enclines à sauver du désastre ou de l'insignifiance ce qui ne relève que de l'opération de communication, au pire sens du terme.

Nous cherchons sans cesse des valeurs sans oser nous laisser aller aux rencontres de hasard : quand, lassés par les bruits incessants des médias, nous nous réfugions vers le patrimoine institutionnel, nous abandonnons nos émotions à d'autres maîtres et nous avouons notre incapacité à ressentir par nous-mêmes. Nous prétendons nous rassurer sur nos goûts par de pompeux discours ou le conformisme des modes : c'est chaque fois notre intimité qui se retrouve violée.

Nos espoirs, nos coups d'oeil, nos sensations ne peuvent s'exprimer qu'en liberté : allons nous admirer en train de regarder ce qui peut enfin nous émouvoir.

mardi, décembre 04, 2007

Suis-je zététique ?

"Et si j'étais zététique ?" se demande l'auteur de ce weblog le matin en se rasant délicatement entre les poils d'une barbe qui décidément devient de plus en plus salée. Et son mauvais esprit, reconnu par ses intimes, de le doter d'un sourire sceptique.

Beaucoup de prestidigitateurs défendent la zététique : leur plaisir à manipuler l'illusion ne les pousse pas à croire à la magie mais plutôt à instiller de la magie dans la réalité. Evidemment, le fonctionnement ou le mécanisme est toujours plus beau qu'une quelconque révélation. Cette loi souffre toutefois une exception : si l'un d'entre nous ose démonter et remonter un appareil électroménager, il va regretter l'absence d'un ange compatissant ou d'un saint miséricordieux lorsque, tout à coup, il se demandera d'où proviennent les quelques vis éparses qui entourent un objet bizarre, dont le dessin a dû germer dans l'esprit d'un extraterrestre dément, et qu'ensuite il se dira que non, décidément, son multihachoir à triple injection ne fonctionnera plus.

Si je vous parle de cela, c'est que j'ai lu dernièrement le Guide d'autodéfense intellectuelle de Normand Baillargeon, qu'un vent favorable est venu déposer depuis le Québec jusqu'aux rivages de l'un de mes librairies favorites où, comme d'habitude, à force de ne pas trouver ce que j'y cherchais, j'ai fini par découvrir ce que je n'avais même pas imaginé de chercher...

L'auteur esquisse un tableau assez convaincant des stratégies de base des manipulateurs, même si je m'étonne de lui voir attribuer tant de crédit à Noam Chomsky, le grand imprécateur américain, dont les diatribes me laissent perplexes : peut-être que voir relayées les caricatures de mes propres idées me pousse à une certaine méfiance ? A part cette nuance, qui concerne tout de même tout le chapitre des médias, je ne puis que vous conseiller la lecture de ce petit guide qui, outre sa clarté, choisit les chemins de la dérision pour aborder les travers de l'argumentation : vous en trouverez une version abrégée en cliquant sur le lien que voici.

Dans ce même mauvais esprit, nous avons mené une expérience avec mon collègue de physique : nous avons incité nos élèves de rhétorique à travailler sur les idées reçues en sciences, en partant d'articles du magazine La recherche de ce mois d'octobre. Les exposés étaient intéressants, certes, mais il y manquait fréquemment l'essentiel : la critique des préjugés, des informations et des sources. Nous voulions travailler avec les représentations mentales de chacun et esquisser l'approche d'une méthode scientifique critique : nos chers élèves n'ont pas trop osé remettre en cause l'autorité des informations qu'ils glanaient dans des références souvent très intéressantes. Cèderaient-ils encore à l'argument d'autorité ou au conformisme du groupe ? Ne supposent-ils pas être assez informés ?

Je déteste ce mot assez dans le champ de la réflexion : je ne le conçois que lors des activités physiques lorsque la raucité de mon souffle me rappelle mon excès pondéral et mes paquets de cigarettes quotidiens. Je perçois en ce mot autant la résignation de celui qui s'estime incapable de poursuivre ses investigations, faute de ressources, que la complaisance de qui n'estime pas nécessaire de chercher et se satisfait faussement d'avoir trouvé. Combien d'entre nous acceptent l'intérêt et la nécessité de la contradiction ? Bien peu sans doute.

Les discours pédagogiques ont trop souvent axé l'enseignement sur des compétences de base, sans se poser la question de leur signification évolutive et en restreignant, de fait, l'enseignement à peu de choses : le plus affligeant est de constater que les susdits discours assénaient à la fois une impossibilité de progresser, paradoxale en éducation, et une limitation de la responsabilité personnelle sur les champs de connaissance. Au nom de prétendus principes, la politique éducative abolissait ainsi les outils dont rêvait l'humanisme renaissant : la culture et le scepticisme. C'est une autre manière de réfuter l'indépendance des esprits, la cantonner à l'enclos d'un supposé bien commun, comme si dans notre pays et quelques autres nous ne disposions pas des moyens techniques d'assumer la curiosité de nos élèves...

Il est tellement plus facile de se satisfaire d'adhésions béates ou de critiques poujadistes : lorsque le roi est désespérément nu, ou lorsque les oranges sont bleues, pouvons-nous nous permettre d'exercer notre sens du doute ? En fait, nous le devons, en permanence.


mercredi, novembre 28, 2007

Ma chère Dame de craie...

Il est toujours difficile de saisir une plume virtuelle : plus que le point de départ, c'est la destinée fugitive de ces texticules, adressés au réseau comme autant de bouteilles à la mer, qui prête au rêve et au hasard. Il y a pas mal de temps que je ne me demande plus combien de gens me lisent : par contre, la lancinante question de l'intérêt que pourraient susciter mon personnage virtuel et ses réflexions sporadiques continue de me laisser perplexe.

Certes, cela doit m'arriver dans mon métier également et peut-être que, parfois, je ne laisse pas un souvenir si anodin que cela à l'un ou l'autre de mes élèves, mais j'avoue que je ne m'en étais guère préoccupé, parce qu'il me semble que leur propre personnalité prendra toujours le pas sur le modeste relais que j'aurai pu être. Et pourtant, un de mes relais à moi vient de disparaître.

Hormis un professeur de gréco-latine et son collègue de physique, je ne garde guère de souvenir de mes professeurs du secondaire : leur influence ne fut sans doute pas anodine mais je ne me sens guère tributaire à leur égard. S'ils m'ont transmis des connaissances, les deux autres m'ont légué leur curiosité et leur intérêt. De même, à l'université, j'estime devoir mon tribut à mon patron de mémoire, titulaire de la chaire de littérature belge, et à deux de ses collègues, un médiéviste, d'ailleurs télégénique, et un linguiste réputé. Là encore, les autres sombrent dans le maquis des anecdotes.

Seuls quelques collègues, malgré ma sociabilité naturelle, m'ont donné l'envie de poursuivre mon métier : l'un d'entre eux, Alain, est mort il y a quelques années ; l'autre, Edith, vient de décéder de ce qu'un abominable euphémisme nomme une longue et pénible maladie. Ils me manquent tous les deux, jusque dans leurs tics et leur manies ; les souvenirs restent intenses tant leur vie semblait prégnante, tant j'ai pu leur dérober ces parcelles de volontés, ces miettes de curiosité et cette profonde envie d'enseigner qui ont sans doute constitué le professeur que je suis devenu et qui, je l'espère, ne cessera jamais d'assumer la dignité de sa charge. Au fond, pour peu que nous puissions nous le rappeler, nous jetons nos petites bouteilles à l'avenir.

Mes lecteurs savent que je n'ai jamais sacralisé ni la mort ni le corps enseignant : pourtant, je n'admettrai jamais que quiconque remette en cause ces deux morts-là, comme je n'ai jamais admis que l'on touche au souvenir de mon père. Tous ceux qui m'ont forgé, de relais en relais, et qui poursuivent leur travail, souvent inconsciemment, je ne pourrai jamais les remercier par des mots : c'est le fil de ma vie de relais qui pourra, peut-être, leur rendre hommage, tant que je garderai la conscience de ce que je fais. Comme tous ceux qui m'ont transmis sans jamais réclamer le prix d'une quelconque dette, j'offre à qui veut en disposer ce que je peux donner.

Evidemment, les amateurs de modèles économiques ou de rentabilité concurrentielle, voire d'utilité, ne pourront jamais comprendre ce qui m'anime, à l'instar de mes proches collègues. Je ne le leur demande d'ailleurs pas : je n'ai pas besoin de leurs explications insignifiantes pour ne cesser de découvrir ce qui restera pour moi significatif dans ce cortège de ma mémoire, qui prend souvent la forme d'un ballet lumineux sous un soleil que rien ne vient éteindre, un cortège dont, pour une fois, l'individualiste que je suis accepte d'être un modeste participant.


samedi, novembre 03, 2007

A propos de Stephen Jay Gould


J'avoue que je reprends ce blog avec quelques difficultés : non que l'envie m'ait passé de lancer mes divagations comme autant de bouteilles à la mer, sans crainte qu'une mouette se les prenne au coin du bec, mais la lecture amène souvent le graphomane à plus de modestie.

Ainsi, je lisais récemment plusieurs ouvrages de Stephen Jay Gould : plus encore que de plonger dans des notions que je ne maîtrisais pas, mes cours de biologie s'étant arrêté du côté de la troisième année du secondaire, c'est le plaisir réel de concevoir la complexité des phénomènes évolutifs qui m'a enchanté. Monsieur Gould ne se comporte pas comme un de nos roquets médiatiques, qui étalent leurs simplifications abusives et leurs retournements de veste à longueur de bouquins savamment ficelés en fonction de l'événement que, faute de l'avoir précédé, ils suivent à juste laisse. Il n'est pas de ces commentateurs insipides dont le credo est le conformisme, cette dictature mercantile qui fait passer le stéréotype sans cesse rebattu pour une idée neuve parce que l'emballage a changé. Non, Stephen Jay Gould explique les phénomènes les plus complexes, les théories les plus savantes sans les affadir, du moins je le suppose, et nous pousse à envisager la réalité comme une construction et pas comme un ensemble d'apparitions.

Ainsi, c'est grâce à lui que j'ai découvert Rube Goldberg, humoriste dont un artiste s'est inspiré ci-dessus. Son principe à lui est de montrer que l'homme recherche une complexité excessive dans l'accomplissement des gestes quotidiens : ses machines déploient une inventivité et une énergie immense afin de réaliser ce qui devrait rester anodin, ici découper un morceau de fromage. Ce style d'humour nous rappelle aussi que, faute d'user de nos facultés de conceptualisation dans les champs de la réflexion, nous les utilisons pour nous empoisonner la vie. Pensons à tous ceux qui cherchent de vaines explications, ou des excuses, pour les troubles comportementaux toujours plus nombreux ; pensons au dévoiement des démocraties, traduites en termes simplistes de majorité, au détriment des droits fondamentaux ; pensons à la complexité des technologies mises en oeuvre pour apercevoir des élevages en batterie de chanteurs très approximatifs ou pour transmettre une information lors de la grand-messe du journal télévisé.

Nos modes de communication, basés sur une prétendue simplicité, nous ont fait croire que nous pouvions nous passer de la complexité : à force de nous donner une image inconséquente du monde, perçu comme un ensemble d'apparitions sans continuité, ils nous ont poussé à un égocentrisme ratiocinant. Nous nous sommes considérés comme les centres de l'univers parce que nous éprouvions la paresse de nous intéresser à cet univers même : nous négligeons ainsi l'histoire ou l'épistémologie par manque de curiosité. Et nous prétendons remplacer cette absence de curiosité par le reflet aimable ou compassionnel que nous offrent les obédiences religieuses, les soumissions idéologiques ou les auto-flagellations psychanalytiques à bon marché.
Nous avons ainsi oublié, au nom de cet extrême relativisme, d'échanger des idées, puisque toutes seraient d'égale valeur : et nous nous retrouvons à vouloir échanger des personnalités, avec la nécessité d'en simplifier la réalité de fonctionnement puisque nous n'en tirons que des généralisations abusives propres à nous permettre le conformisme.

Je persiste à préférer les problèmes complexes aux solutions faussement simples mais je me refuserai toujours à construire ma vie relationnelle autour de faux obstacles qu'une quelconque main secourable lèverait à ma place : je maintiens mon indépendance de jugement sur tout ce que la culture me permet de m'approprier.

jeudi, novembre 01, 2007

Le grand silence

Ubu postera-t-il avant la fin de cette année ? A-t-il conçu un nouveau concept, le message annuel ? Passera-t-il l'automne ? Aurait-il été victime d'une extinction de doigts ?

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lundi, septembre 10, 2007

C'est vraiment la rentrée ?


Il me faut toujours attendre quelques jours pour supposer que ma rentrée des classes soit effective. Ce n'est pas que les élèves se pointent franchement en retard dans ma classe ou à l'école, même si cela arrive trop souvent à mon goût, mais il faut toujours achever l'année qui précède : c'est d'ailleurs un véritable paradoxe pour le jeune enseignant qui débute que d'avoir, en guise de premier contact, à juger des résultats d'élèves qu'il aura seulement entrevus.

Les secondes sessions génèrent souvent leurs lots de surprises : j'ai eu mon compte de déceptions, au vu du massacre qui s'est opéré dans la classe dont j'avais pourtant le plaisir d'être titulaire. J'espère que les jeunes gens qui ont trop peu ou peut-être mal étudié auront la bonne idée de se concentrer sur leur choix d'avenir : une autre manière de cesser de perdre du temps en arguties et chicanes sur ce qui a bien pu se produire pendant ces fichus examens. Même si je peux concevoir les difficultés d'une vie d'adolescent, je ne peux que conseiller à mes têtes blondes de s'accommoder des règles de notre petit jeu : peut-être qu'un jour ils se rendront compte que rien n'aura été plus explicite et, en fait, neutre que notre jugement sur leur année scolaire. Peut-être aussi finiront-ils par apprécier que nous ne leur cherchions pas de fausses excuses : c'est une manière de les considérer comme des individus et pas comme de pauvres victimes du sort.

En attendant, il aura fallu beaucoup expliquer nos décisions, ne fût-ce que pour leur permettre d'encaisser leurs résultats finaux : il aura fallu aussi pas mal se répéter, puisque nous nous retrouvons contraints de quitter le terrain pédagogique pour nous lancer dans de grandes envolées lyrico-administratives qui exposent les procédures de recours inventées par l'esprit malade de Tata Laurette. Notons d'ailleurs que les décisions de ces conseils de recours sont notifiées mais jamais motivées, ce qui me semble aussi frustrant pour l'élève que pour le professeur.

Aux déçus comme aux enthousiastes, je souhaite une bonne année scolaire dont nous tournerons les pages avec le plaisir de nos découvertes, l'ennui passager de chapitres abscons ou le soupir mêlé de nostalgie qui s'exhalera inévitablement au moment du dénouement.



jeudi, août 23, 2007

Mon Bébert


Mon Bébert,

J'apprends que tu as encore été victime d'un vilain qui a osé te railler : un musicien qui voulait faire de la satire au pays de l'opérette, là où seule la futilité de l'apparat s'affiche avec sérieux.

C'est vrai, mon Bébert, le monde est méchant : la presse qui n'est pas inféodée est méchante, le hasard des dessins d'enfants est méchant, l'histoire même est méchante. Tu rêvais d'un royaume au Paradis : te voici dans une principauté crapoteuse, artificielle comme une carte postale et sujette à moqueries.

Il est vrai qu'un satiriste encore davantage mal intentionné aurait pu glousser sur ton armée de soldats de plombs, sur ta police omniprésente, sur les opérations financières douteuses qui passent par Monaco, cet asile des mal-aimés des satiristes du monde entier. On ne rit pas des petites misères des illustres : que ces gueux se le tiennent pour dit. Et on ne caricature pas une famille qui n'a besoin de personne pour sombrer dans le ridicule : malgré leurs fautes de goût, on n'injurie pas ses fournisseurs en pitreries, vocalises idiotes et scandales de pacotille.

Enfin, si je peux t'écrire tout ceci, Mon Bébert, c'est parce que j'ai le bonheur de ne pas être monégasque et de vivre dans un pays où le ridicule ne tue plus : il paraît d'ailleurs que c'était la seule condition de survie de notre classe politique et dirigeante locale. Grâce à ton goût de l'opérette, je peux toujours continuer à adorer mon petit cirque local.

Je t'adresse mes compliments pour ton attitude : elle me rappelle qu'il est préférable d'être simplement un homme plutôt que de se prendre pour un prince.

Royalement tienne,

Ubu Premier



mercredi, août 22, 2007

Wampas Chirac en prison

Une petite vidéo (prémonitoire ?) pour fêter l'arrivée du Chi dans mes liens.
La version audio se trouve dans la boîte à musique.

Je n'ai malheureusement pas trouvé d'équivalent pour le nouveau président de nos amis français : à vous d'aller faire un petit tour sur cet excellent site satirique consacré au nouveau Napoléon-le-Petit.

Les disparitions.

Est-ce la fin de l'été, aux allures automnales, qui me pousse à faire un ménage de printemps dans mes liens ? Je n'aime pas me séparer de mes liens , surtout lorsque les auteurs de ces blogs abandonnés ou, pire, effacés, ne donnent plus de leurs nouvelles. Certes, les uns évoquent leurs raisons de leur départ tandis que les autres laissent planer le mystère, ou redouter le pire. Mais j'avoue que leurs pages oubliées me filent un sérieux coup de blues : je n'aime pas les disparitions dans mon alphabet intime.

Le plaisir de consulter leurs articles ou leur photos, je dois le conjuguer au passé. Tout ce qui m'émerveillait dans les photos de JLC s'est estompé dans les paysages virtuels de la mémoire. Les articles brefs et les illustrations de rêve de Maugus me revoyaient à la nostalgie de la clarté, alors que tant de blogueurs se gémissent dessus. Les coups de gueule, de grande classe, d'µbiquitous me laissaient pantois tandis que les chroniques acerbes d'Hariane me réjouissaient.

Avant de leur adresser mes adieux virtuels, je désire les remercier de tous les instants de plaisir qu'ils ont réussi à me procurer.

Et je ne souhaite des retrouvailles, tôt ou tard.

mardi, août 21, 2007

Le résumé

Les vacances commencent à s'estomper et l'insulaire libre que je prétends essayer de rester lorsque je me déconnecte de toute réalité va devoir bientôt revenir à l'assaut de tout ce qui l'exaspère.

Frère lecteur, tu peux considérer que j'ai mauvais caractère : c'est une caractéristique qui m'est communément reprochée, tout comme une certaine assimilation aux plantigrades en mal d'hibernation ou d'estivation, c'est selon. Cette dernière comparaison m'inquiète d'ailleurs, puisque les ours semblent être dans la ligne de mire du crétin viandard (pléonasme !) dont la vue a trop baissé pour encore dégommer la tourterelle.

Mais tout ceci n'explique pas l'illustration de Giger qui trône au-dessus de cet article. Ceci ne surprendra pas mes fidèles lecteurs qui, avec le temps, se sont habitués à mes fulgurantes digressions en un style abscons qui n'est pas sans rappeler le pilier de cabaret qui se prend pour la tour de Pise ou la logorrhée de l'ivrogne en pleine extase éthylique. Il me faut pourtant les rassurer, ainsi que celui qui au gré de la recherche d'un article intelligent aurait eu la malchance de tomber sur ce blog : je suis toujours autant moi-même, c'est-à-dire n'importe qui.

J'ignore s'il me sera encore possible de le rester dans notre époque qui se glorifie des étiquettes. C'est un peu comme si notre univers, appréhendé par les médias davantage que par le contact réel et profond, se glorifiait de ses résumés d'individu. Déjà, en leur temps, les théories d'organisation scientifique du travail glorifiaient l'homme-outil et rejoignaient les doctrines totalitaires dans leur utopie cauchemardesque d'un homme parfait. Et le glissement se faisait ainsi du travail, service collectif organisé selon le fordisme, le taylorisme ou encore le toyotisme, à la vie privée, soumise aux ordres d'un pouvoir central.

L'assentiment de la majorité était acquis - il faudrait d'ailleurs une autre chronique pour expliquer à quel point l'association d'individus d'intelligence moyenne engendre une majorité conne comme ses pieds - sans gros problème, au nom d'un prétendu bonheur collectif. Ne manquait qu'un consentement explicite et exemplaire ainsi que des victimes expiatoires qui donnent à leur sacrifice des allures de dévouements, tant elles collent au cynisme dévoyé d'une époque qui balance entre la mièvrerie apitoyée et l'admiration de la force, pour autant que cette dernière soit cantonnée au divertissement d'une émission de télé-réalité quelconque.

Ainsi, les ménagères de moins de cinquante ans ou les panels médiatiques se donnent une illusion d'activité alors qu'ils ne sont que fonctionnels. Ainsi, les manipulateurs à la petite semaine exhalent leurs attitudes nauséabondes en se prétendant les maîtres du jeu alors qu'ils ne sont que les dupes d'un miroir aux alouettes. Ainsi, le monde médiatique met-il en scène un univers factice, rassurant, tout en jouant sur un sentiment de peur sans cesse ressassé. Et le cours du téléspectateur de se voir canalisé entre divertissements glauques et faits divers tragiques : de déformation en déformation, nous en sommes parvenus à l'abrutissement de celui qui croit savoir parce qu'il confond le reflet lumineux de sa lucarne et la réalité contradictoire, nuancée de zones d'ombre.

Un résumé dénature toujours le texte dont il s'inspire : il ne peut en traduire la substance car il vise à la rapidité par la schématisation. Ceci explique d'ailleurs qu'il soit impossible de réellement résumer une oeuvre littéraire, à moins de dire plaisamment comme Woody Allen que Guerre et paix, ça parle de la Russie. Pourtant, notre époque prétend nous résumer, sous diverses étiquettes, et refuse notre complexité de même que la complexité de nos associations : elle prétend nous modeler selon ce dont elle éprouve le besoin. Et nous qui pensions vivre en un temps civilisé, nous cédons à cet asservissement de nos peurs, de nos haines, de nos angoisses, que nous espérons voir aseptisées parce que des professionnels de l'imposture nous les expriment de manière confortable.

Je rêverais presque d'être fou.

mercredi, août 08, 2007

Retour de saison


Ma période d'estivation serait-elle achevée ? Je n'en suis pas si sûr mais, comme les illusions finissent par se montrer plus crédibles qu'une quelconque réalité, je ferai semblant d'être revenu, avec la même incertitude que le soleil ci-dessus.

Certes, je n'étais pas très loin : je n'étais même pas dans un endroit insolite, perché en équilibre sur une accueillante falaise opportunément reléguée loin des catalogues touristiques. De même, je n'étais pas occupé à inventer quelque gadget génial ou à m'emberlificoter les neurones face à quelque panneau incongru. Non, j'étais simplement occupé à ne rien faire, si ce n'est à happer l'un ou l'autre film que la télé estivale consentait à diffuser, à bouquiner mollement étendu ou à me perdre dans les vertus curatives d'un silence relatif, entre autoroute et industrie métallurgique. Bref, je m'occupais à ne rien faire, ce que je réalise le mieux.

Évidemment, il m'est arrivé de suivre l'actualité, avec le même détachement qu'engendraient les prévisions météorologiques chez le pauvre juillettiste qui se demande s'il n'aurait pas dû choisir le doux mois d'août pour écouter zinzinuler les gentes demoiselles. J'ai donc pu apprécier à se juste mesure les efforts lyriques de notre formateur national qui, selon mes propres goûts, aurait peut-être dû oser se lancer en une version éthylique du Petit vin blanc ou de La digue du cul, tant les plaisirs capiteux me semblent davantage appropriés aux pays paisibles que ces marches militaires qui me donnent une seule envie : courir à toutes jambes du côté opposé au front. Franchement, est-ce vraiment décent de m'obliger à montrer mes fesses à un quelconque belligérant qui d'ailleurs me dépasserait allègrement, puisque mes performances sportives et notre réseau autoroutier l'y aideraient.

Dans la série de mes petites futilités, j'ai adoré ce Tour de France qui prenait les allures d'un roman policier, même si les répétitions de ce nouveau feuilleton de l'été le rendaient peu crédible. De même, j'ai beaucoup apprécié les menuets politiques face aux bonnes oeuvres de l'Office des étrangers : nos politiciens en goguette semblaient découvrir le sort des mineurs internés en centre fermé. Certains de nos petits comiques se sont même drapés dans la stricte application de la loi, en oubliant la condamnation internationale de celle-ci et leur responsabilité dans le contrôle d'un organisme qui déraille.

Bref, rien de neuf mais ce n'était pas une raison de me priver du plaisir de vous retrouver.





mardi, juin 26, 2007

Quelques travaux pour l'été...

Me voici de retour : enfin, presque. Après avoir corrigé les travaux de mes élèves, leurs fautes et leurs erreurs, après avoir procédé aux délibérations d'usage, il me reste deux échéances : la cérémonie de remise de prix en rhétorique, dès demain, et la remise des bulletins à la classe dont je suis titulaire. Évidemment, nous n'aurons pas évité quelques grincements et quelques réelles déceptions : et comme les résultats n'étaient guère enthousiasmants, cette année, les déceptions furent aussi celles des professeurs. J'avoue que je ne m'habitue pas à certains redoublements : le gâchis me déplaît, surtout lorsqu'il était réellement évitable. Mais je ne vais pas vous sortir mes états d'âme du professeur avant la remise des bulletins : au fond, ils n'intéressent que moi.

Par contre, je me suis amusé avec les gadgets que j'ai réussi à installer sur ce blog. Le premier, Box.net, me permet d'enfin vous donner accès facilement à quelques morceaux de musique (dont un que j'espère prémonitoire) que j'aurai sélectionnés et chargés moi-même. Si mes derniers choix ne vous plaisent pas, vous pouvez toujours aller du côté de radio Ubu, en bas de page, ou passer sur Radioblog mais mon nouvel outil me semble plus léger et maniable.

L'autre gadget est simplement génial : Snap Shots permet de prévisualiser les pages auxquelles renvoient mes liens . Au fond, c'est une sorte de variation de la zappette adaptée à Internet. Bref, les surprises deviendront un peu moins étonnantes pour vous mais que ne ferais-je pas pour mes (nombreux ?) lecteurs fidèles ?

Ensuite, il me faudra actualiser mes liens, entre nouveautés intéressantes et disparitions regrettables, et écrire l'un ou l'autre texticule jusqu'à ce que je trouve enfin quelque chose à dire. Et après ces quelques nouveaux travaux, il me faudra retourner plus sérieusement à mes lectures, sur le réseau ou dans mes bouquins.

Au fait, qui avait parlé de vacances ?